A l’occasion des travaux du Sénat au sujet de la loi d’Orientation Agricole, GRENE s’est adressé début décembre 2024 à tous les Sénateurs de l’Isère pour exprimer son inquiétude concernant la simplification des normes environnementales et les conséquences sur la santé publique. Seul le Sénateur Guillaume GONTARD a répondu à notre courrier


La LOA Quésaquo ? En 2024, le projet de Loi d’Orientation Agricole, pour la souveraineté alimentaire et agricole, visait initialement à traiter la problématique du renouvellement des générations en agriculture ; un agriculteur sur deux atteindra l’âge de la retraite d’ici à 2030, ce qui soulève des préoccupations quant à la continuité des exploitations agricoles, et notre souveraineté alimentaire. Face au malaise des agriculteurs, la LOA a été l’objet de nombreuses évolutions, en particulier une proposition du sénateur Duplomb. Voici quelques éléments essentiels : Depuis quelques années, tandis qu’un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, face à des difficultés persistantes dans leur profession, tous les syndicats agricoles ont témoigné des difficultés qui touchent les agriculteurs. Ils ont le sentiment de ne pas être écoutés, compris, considérés, cela pour plusieurs raisons :

Les promesses jugées non tenues de la loi EGalim de 2018 et 2021, qui avait pour but d’améliorer la répartition de la valeur le long de la chaîne agro-alimentaire. Lien : Loi EGalim

Le Green Deal européen, lancé pour répondre aux défis environnementaux et climatiques, a pour objectif de transformer l’économie européenne en rendant l’ensemble des secteurs et l’agriculture plus durables. Lien : Green Deal

La stratégie « De la Ferme à la Table » adoptée en octobre 2021 visait à transformer en profondeur le système alimentaire européen. « 16 millions d’années de vie en bonne santé perdues et près de 950 000 décès en 2017, dans l’Union européenne. Ce lourd bilan serait, selon la Commission européenne, imputable à des régimes alimentaires peu sains. A ces conséquences sur l’alimentation, s’ajoutent celles sur l’environnement. L’agriculture était ainsi responsable de 10,5 % des émissions de Gaz à effet de serre (GES) de l’Union en 2022 et contribuerait de façon importante à l’appauvrissement de la biodiversité. » Cette stratégie visait à garantir un revenu économique équitable pour les agriculteurs, tout en répondant à la demande croissante des consommateurs pour des produits plus sains et durables. Elle a été adoptée pour atteindre plusieurs objectifs clés d’ici 2030. La stratégie comportait quelques mesures phares :

-Réduction de 50 % de l’utilisation et des risques des pesticides chimiques.

-Diminution d’au moins 50 % de l’utilisation des engrais azotés de synthèse, tout en préservant la fertilité des sols.

– Augmenter la biodiversité dans les écosystèmes agricoles.

-Promotion de l’agriculture biologique, avec un objectif de 25 % de la superficie agricole totale dédiée à cette pratique.

-Réduction de 50 % des ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage et l’aquaculture.

Lien : Stratégie de la ferme à la table

Les accords de libre-échange, notamment l’accord avec le Mercosur, sont perçus comme une menace pour l’agriculture française. Les agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale, ils craignent que l’importation de produits à bas prix et soumis à des normes moins strictes ne nuise à leur compétitivité. Les syndicats agricoles, tels que la FNSEA et la Confédération paysanne, demandent l’exclusion des produits agricoles des accords de libre-échange pour protéger la souveraineté alimentaire de la France.

Bien que partageant les nombreuses raisons de leur colère, les syndicats agricoles  sont divisés et proposent des solutions variées, reflétant deux visions différentes sur l’avenir de l’agriculture.

1 ) Les Jeunes Agriculteurs (JA), la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et la Coordination rurale demandent :

Simplification des normes environnementales qui compliquent leur accès aux aides de la PAC et qui imposent des contraintes jugées excessives.

Pas d’interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions alternatives, Ils s’opposent à l’interdiction de certains produits sans alternatives viables, ce qui mettrait en péril certaines filières.

Fin des contrôles intempestifs, les agriculteurs dénoncent des contrôles jugés abusifs par l’administration, qui peuvent mener à des sanctions sévères.

Meilleur accès à l’eau, ils souhaitent des conditions simplifiées pour constituer des réserves d’eau, surtout dans les régions touchées par la sécheresse.

Meilleure considération par la société, ils se sentent stigmatisés comme « pollueurs » et réclament une reconnaissance de leur rôle essentiel dans la production alimentaire.

2) La Confédération paysanne exprime une forte opposition à la loi d’orientation agricole (LOA), qu’elle considère comme insuffisante pour répondre aux enjeux cruciaux de l’agriculture en France. Elle adopte une position critique vis-à-vis du Green Deal. Voir ci-dessous les points clés de leur vision :

Opposition au Green Deal : La Confédération paysanne s’oppose à ce modèle, qu’elle considère comme inadapté aux réalités des agriculteurs et aux enjeux environnementaux.

Vision nourricière et rémunératrice : Elle défend une agriculture qui soit véritablement nourricière et qui garantisse des revenus suffisants aux agriculteurs, en s’opposant à la dérégulation des marchés.

Normes environnementales : Contrairement à d’autres syndicats, la Confédération paysanne ne milite pas pour la suppression des normes environnementales, mais plutôt pour leur renforcement afin de protéger l’environnement tout en soutenant les agriculteurs.

Souveraineté alimentaire : Elle prône une souveraineté alimentaire qui permettrait à chaque pays de réguler ses propres marchés agricoles, en déconnectant les prix agricoles des cours mondiaux.

Critique des traités de libre-échange : La Confédération paysanne s’oppose également aux traités de libre-échange qui, selon elle, nuisent à l’agriculture paysanne et favorisent les grandes exploitations agro-industrielles.

Silence sur des enjeux majeurs : La Confédération dénonce l’absence de mesures concernant le revenu agricole, la transition agroécologique et l’accès au foncier, qui sont essentiels pour encourager le renouvellement des générations d’agriculteurs.

Elle s’inquiète des atteintes au respect du pluralisme au sein des groupes de travail nationaux, craignant que la voix de tous les paysans ne soit pas entendue de manière équitable.

La Confédération accuse la LOA de favoriser un système productiviste qui pourrait nuire à la biodiversité et à la santé des sols, en renforçant la trajectoire agro-industrielle.

Elle critique l’introduction de la notion d’intérêt général majeur pour l’agriculture, qu’elle juge floue, permettant selon elle à l’agriculture de s’exonérer des obligations environnementales.

La Confédération s’oppose à des dispositions qui, selon elle, accordent des faveurs à l’agro-industrie, comme la dépénalisation des atteintes aux espèces protégées.

Liens Confédération paysanne : Communiqué de presse LOA Position : installation transmission financement de la transition agricole

En résumé, deux visions du monde :

La FNSEA prône une agriculture productiviste qui cherche à maximiser les rendements et à maintenir une forte présence sur les marchés internationaux. Bien qu’elle ait manifesté contre l’accord avec le Mercosur, la FNSEA ne s’oppose pas fondamentalement aux accords de libre-échange. La FNSEA soutient la nécessité de conserver certains produits phytosanitaires et plaide pour des solutions technologiques face aux défis environnementaux.

La Confédération paysanne milite pour une agriculture durable et équitable, rejetant le modèle productiviste. Elle prône une approche qui respecte l’environnement et favorise les petites exploitations. Elle promeut une sécurité sociale alimentaire

À Chizé (Deux-Sèvres), sur 450 Km2, au cœur des grandes plaines céréalières, les chercheurs du CNRS et 130 agriculteurs collaborent depuis trente ans pour tester grandeur nature les principes de l’agroécologie. Ils en démontrent les bienfaits, tant sur le plan environnemental qu’économique, les résultats le prouvent ! Lien : Une expérimentation qui démontre clairement que la biodiversité est utile à l’agriculture, que la réduction des pesticides et des engrais, grâce à cette réduction des charges, entraîne une amélioration du revenu de 100 euros par hectare et par an en moyenne.

La proposition de loi dite “Loi Duplomb”, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur a été adoptée par le Sénat le 28 janvier 2025 et a été déposée à l’Assemblée nationale le 28 janvier 2025 pour une première lecture. Le gouvernement a annoncé une procédure accélérée, c’est-à-dire une seule lecture dans chaque chambre.

Laurent Duplomb est sénateur, membre du parti Les Républicains (LR), et agriculteur en Haute-Loire, Il est connu pour son opposition aux normes environnementales qu’il considère comme contraignantes pour les agriculteurs.

FNE alerte sur la proposition de loi Duplomb, soulignant ses régressions environnementales et ses impacts négatifs sur la santé publique et les écosystèmes, favorisant une agriculture industrielle déjà en difficulté. Lien : FNE

Pour la Confédération paysanne c’est non ! Lien vers le CP

Cinq associations spécialisées de la FNSEA (AGPB (blé), AGPM (maïs), CGB (betteraves), Fop (oléoprotéagineux) et UNPT (pommes de terre) estiment que la proposition de loi adoptée « témoigne du réalisme des sénateurs face au délire du tout réglementaire et de ses conséquences sur le décrochage de l’agriculture française. » Elles saluent des compromis obtenus qui « vont dans le bon sens », et elles appellent « l’ensemble des députés et le gouvernement, à prendre leurs responsabilités en s’emparant de ce texte ».

 



				

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