La contribution de GRENE sur l’eau dans le Grésivaudan
Incidence environnementale
A travers tout le territoire se pose la question de l’utilisation de l’eau et de sa répartition.
Sur le Grésivaudan les entreprises STMICROELECTRONICS et SOITEC se développent et sont les plus gros consommateurs.
Juin 2023 :
La ressource en eau au cœur des préoccupations dans le Grésivaudan
Les demandes en eau potable formulée par la Communauté de Communes du Grésivaudan afin d’alimenter les extensions des usines de microélectronique des zones industrielles de Crolles et Bernin ont propagé des inquiétudes dans le Grésivaudan.
Conscients des questionnements de la population et soucieux de leur image de marque, les dirigeants de STMicroelectronics nous ont proposé (FNE 38 et Gresivaudan Nature Environnement (GRENE)) de les rencontrer. Pensant qu’il était important de faire remonter au plus haut niveau, les inquiétudes de la population et de connaître les objectifs environnementaux de cette entreprise, nous avons accepté cette invitation.
Nous avons été reçus par M. Gerondeau, directeur de STMicroelectronics, M. Pascal Roquet, responsable Santé et environnement du groupe STMicroelectronics et Mme Corine Ruiz, Directrice de la communication du Site de Crolles.
Depuis la sécheresse de 2022, l’ampleur de la manifestation de Stop Micro et les nombreux articles dans la presse (Le Monde, le Monde Diplomatique, le Dauphiné Libéré, le Postillon…) les dirigeants de l’entreprise sont conscients de l’impact environnemental de leur entreprise. Toutefois les réactions de la population sont nouvelles pour eux, d’où leur volonté de communiquer sur les efforts engagés pour réduire la consommation d’eau en augmentant, notamment, de manière significative le recyclage de l’eau. Ceci étant aujourd’hui possible par l’évolution des technologies de filtration de l’eau.
Voici les chiffres et les prévisions qui nous ont été fournies sur la consommation d’eau dans l’usine :
En 2021, le recyclage de l’eau était de 28%, actuellement il est de 43% ; il sera de 49% fin 2023.
Le taux de 60% est l’objectif à atteindre pour 2025. La limite atteignable théorique est de 87%.
La consommation se partage de la manière suivante :
2% : usage sanitaire
65% : fabrication de l’eau ultra pure
33% : eau adoucie.
L’eau ultra pure est utilisée pour le nettoyage des plaquettes après chaque gravure.
L’eau adoucie sert à la climatisation des salles blanches et au nettoyage des gaz avant leur sortie dans l’atmosphère.
15% de ces deux postes sont perdus par évaporation, les 85% restant sont traités localement avant le rejet dans l’Isère à une température de 22 à 25°C.
En 2022 l’entreprise a eu l’autorisation de forer deux puits dans la nappe avec un débit total maximum de 300 m3/h. L’objectif de cette utilisation est pour éviter de perdre trois mois de fabrication en cas d’un arrêt accidentel de la fourniture d’eau de Grenoble.
Sa future extension terminée, STM a prévoit une consommation de 29000 m3/j (1200 m3/h), volume que le Grésivaudan s’est engagé à fournir.
Avec les progrès faits dans le recyclage, STM s’engage à ne pas dépasser 800 m3/h et surtout à ne pas perturber la consommation des habitants.
STM indique même qu’ils n’ont plus besoin d’une alimentation en « eau potable » et peuvent utiliser d’autres eaux moins pures. Cette alimentation sur le circuit eau potable résulte de circonstances historiques et d’opportunités au moment de leur première implantation en 1992.
L’usine STM du Rousset dans les bouches du Rhône n’utilise pas de l’eau potable, elle est alimentée par le Canal de Provence.
L’augmentation de la demande en eau
Nous soulignons toutefois que, même si pour l’instant, l’eau provenant des sources de la Romanche est en quantité suffisante, il faut prendre en compte les demandes de la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais et de la Communauté de Commune de Saint Marcellin Vercors Isère de bénéficier des ressources en eau potable du Drac et de la Romanche situées dans le périmètre de la Métro (Grenoble Alpes Métropole).
En outre il faut s’interroger sur la pérennité de cette ressource en eau face au dérèglement climatique.
Si l’on peut noter les efforts entrepris par STM et ceux envisagés, cette consommation d’eau reste extrêmement importante et il faudra que les organisations citoyennes soient très vigilantes pour s’assurer du respect de leur communication.
Il reste encore à prendre en compte la pollution de l’air et de l’eau qui est rejetée dans l’Isère. Les mesures (faites par l’entreprise) des produits rejetés, bien que respectant les arrêtés préfectoraux, restent très élevées.
Il faudrait aussi que notre société entame résolument une décroissance de l’utilisation souvent injustifiée de la microélectronique dans de nombreux appareils de la vie courante, du suréquipement des automobiles…
Il faudra être très vigilent lors de l’enquête publique sur l’extension qui sera faite du 15 août au 30 septembre 2023.
Le directeur de STmicroelectronics est prêt à nous recevoir de nouveau en septembre pour parler d’autres sujets tels que le transport, les parkings…
Une concertation citoyenne nécessaire autour de la ressource en eau
Nous constatons aujourd’hui un manque d’information de la population en ce qui concerne la ressource en eau, manque auquel les pouvoirs publics n’ont à cette heure pas répondu.
Avec FNE 38, nous préconisons la mise en place rapide d’une structure de concertation à l’échelle du SCOT Grenoblois sur la ressource en eau dans un contexte triplement caractérisé par le changement climatique, la relocation des activités industrielles et de la transition écologique.
Une de ses premières tâches serait d’organiser l’association des citoyens à la gouvernance et au partage de la ressource en eau, sous la forme de « conférence des citoyens » ,« convention citoyenne » ou de « parlement de l’eau ».
Mai 2023 :
Après un début d’année qui présente déjà des sécheresses avec des nappes phréatiques au plus bas niveau dans beaucoup de régions, le souvenir d’une année 2022 sèche et très chaude, les habitants du Grésivaudan s’inquiètent.
Le développement des sociétés STMICROELECTRONICS sur Crolles et SOITEC sur Bernin avec leur énorme consommation d’eau renforce cette inquiétude.
A GRENE, nous sommes également inquiets de cette demande d’eau de plus en plus forte et dans l’attente d’une réaction de nos élus à la hauteur des enjeux.
Information de la population :
Nous attendons d’abord un minimum d’informations, alors que les élus contactés disent ne pas comprendre nos inquiétudes. Nous avons demandé une entrevue avec le responsable de l’eau de la communauté de communes, et nous attendons la réponse depuis deux mois.
L’information se fait donc par d’autres canaux, comme :
- « Postillon» qui traite des problèmes de pollution dans la région grenobloise.
- « Stop micro» collectif créé l’été dernier lutte contre l’accaparement des ressources et les nuisances causées par les industries locales, en particulier celles de la microélectronique. Stop Micro a notamment organisé une manifestation de Brignoud à Crolles le 3 avril, rassemblant 800 personnes selon la gendarmerie. De nombreuses associations étaient représentées.
- La revue en ligne « Reporterre» a écrit un document sur le problème de l’eau dans la région grenobloise.
Parlons un peu chiffres :
ST Microélectronics :
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- ST emploie près de 5000 personnes et compte en recruter 1000 de plus après l’extension
- La consomation d’eau de ST :
En 2021 (le rapport 2022 n’est pas encore paru) ST a consommé 4,2 millions de m3 d’eau (soit environ 500 m3/h) avec un recyclage de seulement 28% (chiffres ST). Actuellement la capacité de distribution d’eau est de 620 m3/h et devrait passer à 800m3/h cet été. - En 2022, ST a présenté un projet d’extension (pour un coût de l’ordre de 5,7 milliards d’euros dont 2,3 payés par l’état) pour construire six nouveaux bâtiments de production (en supplément des trois existants) permettant d’augmenter notoirement sa production. A cela s’ajoutent de nouvelles installations annexes pour le fonctionnement général du site : plateformes de stockage et distribution des différents gaz, une station de traitement des liquides, et des installations de traitement des effluents gazeux.
- Dans sa future structure, ST devrait consommer entre 1200 et 1400 m3 /h soit plus de 10 millions de m3/an, ce qui correspond à la consommation d’eau de 228000 habitants (soit plus de deux fois la population du Grésivaudan).
- L’approvisionnement en eau :
L’eau utilisée par ces industries est fournie par la communauté de communes qui est elle-même alimentée par l’«eau de Grenoble Alpes » et provient des champs captants de la Romanche.
« Eau De Grenoble » pourra-t-elle fournir une telle quantité d’eau, représentant la moitié de la consommation de l’agglo grenobloise ?
En mars 2022, la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement de l’aménagement et du Logement) a permis deux forages dans la nappe au droit de l’usine, qui permettront de pomper chacun 150 m3/h. La communauté de communes n’est pas capable actuellement de fournir une telle quantité d’eau et devra faire de gros investissements, une conduite permettant plus du doublement du débit est en cours de construction (8,5 M€).
La Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE), a émis en février un avis très critique sur ce projet d’extension, citant :
- La consommation d’eau très importante (eau potable et eau de la nappe phréatique).
- L’impact des effluents aqueux sur les eaux de surface.
- La non prise en compte de la qualité de l’air et du cadre de vie des habitants.
- La non prise en compte du changement climatique et des émissions de gaz à effet de serre.
- La non prise en compte des effets cumulatifs avec le site voisin de SOITEC.
Pour la MRAE, le dossier présente de nombreuses lacunes qui rendent difficile la compréhension du projet.
Voir le rapport de la MRAE : https://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2023apara23_icpe_indstcrolles_38.pdf
Déclaration environnementale 2021 de ST :ite https://www.st.com/content/ccc/resource/corporate/company_promotion/site_brochure/group0/8e/01/30/41/7f/46/4c/9f/EMAS_Declaration_Crolles_2021/files/Crolles_EMAS_declaration_2021.pdf/_jcr_content/translations/en.Crolles_EMAS_declaration_2021.pdf
SOITEC :
Cette société fabrique également des circuits intégrés avec sa propre technologie et emploie à ce jour environ 1 100 salariés. Elle prévoit d’augmenter le nombre d’emplois sur site jusqu’à 1 700 après son extension. Elle est en forte extension, onze hectares de terrain sont prévus pour cela ainsi que pour les industries connexes sur la commune de Bernin.
- Sa consommation d’eau actuelle est d’un peu plus qu’un million de m3/an.
Recyclage de l’eau :
Pour l’instant, il y a de l’eau (le débit de l’Isère est de 50 m3/s à l’étiage) mais le réchauffement climatique, la fonte des glaciers qui progresse rapidement devrait nous inciter à la prudence, des problèmes (y compris pour ces industriels) pourraient rapidement survenir.
Un recyclage plus important de l’eau doit être fait.
Entourée par la mer, la cité-État de Singapour n’a pas de nappe phréatique exploitable, elle est confrontée à une absence massive d’eau potable. Peuplée de 5,7 millions d’habitants, la ville a mis au point un système de recyclage : l’eau des égouts qui fournit 40 % des besoins actuels en eau potable…
A Taiwan, TSMC qui est le plus gros fabricant de circuits intégrés mondial consomme 150000 m3 d’eau par jour, a pour projet d’en recycler 67 000 m3 en 2024 soit 50% de sa consommation.
Alors que les solutions technologiques sont disponibles, nous considérons que cette industrie doit recycler la plus grande partie de l’eau dont elle a besoin, continuer à améliorer les rendements de production et rendre cette eau dépolluée avant son rejet dans l’environnement.
Problème de pollution !
Outre leurs énormes consommations d’eau, ces entreprises consomment une quantité de produits chimiques très toxiques. Ainsi ST consomme autour de 20000 Tonnes de produits chimiques par an et non des moindres : acide fluorhydrique, sulfurique, de l’ammoniaque, des métaux lourds, de l’arsenic…
Les résidus de tous ces produits se retrouvent pour certains dans les rejets aqueux et aériens de l’usine, malgré les installations de traitement. Il est à signaler que ST a signé des accords d’autosurveillance.
Des décrets préfectoraux, régissant les rejets dans l’Isère, semblent très permissifs (par exemple : 150 kg de matières en suspension, 150 kg de fluorures… par jour) mais sans prendre en compte les rejets des autres industries.
L’utilisation de tous ces produits toxiques fait que ces deux entreprises sont classées Seveso (niveau haut pour ST).
Autres problèmes liés aux extensions de ces sociétés :
Ces entreprises en pleine expansion favorisent l’arrivée de nouvelles personnes ce qui entraîne la croissance de l’immobilier et le prix du logement, la perte de terrains agricoles, l’augmentation de la circulation y compris de produits hautement toxiques.
Conclusion :
Nous ne sommes pas contre cette industrie pour des raisons évidentes d’autonomie industrielle. Sans doute est-il souhaitable que les circuits que nous utilisons soient produits ici plutôt qu’en Asie, où de plus les conditions sont moins respectueuses des hommes et de la nature.
Pour assurer chez nous ces conditions, nous souhaitons de l’information, des débats, et concrètement une amélioration substantielle du recyclage de l’eau, comme de la qualité des rejets résiduels dans l’eau comme dans l’air.
On peut se poser la question de savoir si de telles structures ne pourraient-t-elles pas être installées sur plusieurs sites pour en diminuer l’impact ?
Nous ne doutons pas que ces industries stratégiques, accueillies sur notre territoire investiront les moyens nécessaires à sa bonne conservation, dans leur souci proclamé de durabilité économique, écologique et sociale.